Sarkozy malmène le français

Publié le par correcteur-relecteur.over-blog.com

En pleine Semaine de la langue française, le chef de l'Etat a gratifié ses auditeurs de quelques belles fautes de français. Involontaires ou calculées ?
 
Bonnet d'âne, l'élève Nicolas Sarkozy ? Puristes de la grammaire et amoureux des belles lettres sont mis à la torture. En effet, à force de parler tous les jours, ou presque, le président commet parfois de redoutables fautes. De quoi faire se retourner Molière dans sa tombe en pleine Semaine de la langue française (du 16 au 23 mars). Furieux contre ceux qui critiquent le bouclier fiscal, il s'est laissé aller mardi à un joli « télescopage syntaxique » devant des ouvriers d'Alstom, dans le Doubs : « Si y en a que ça les démange d'augmenter les impôts… » Ou, le même jour, à propos des études des élites : « On se demande c'est à quoi ça leur a servi ? »… Coach en orthographe, Bernard Fripiat* refuse pourtant de lui mettre un zéro pointé. « C'est un président comme on en trouve aux Etats-Unis. Le voir faire une faute, ça désacralise l'orthographe. Je vois trop de gens complexés ! » Sarkozy est aussi fâché avec les négations : « J'écoute, mais je tiens pas compte ! » (Provins, le 20 janvier.) Il prend des libertés avec les accords : « On commence par les infirmières parce qu'ils sont les plus nombreux » (Rambouillet, le 13 mars.) Sans compter quand il mange les mots (« ch'ais pas », « ch'uis », « m'enfin », « y a ») ou s'abandonne à un tutoiement intempestif (« Attends, attends ! »). On est loin du parler pointu d'un Valéry Giscard d'Estaing et des références littéraires d'un François Mitterrand… De quoi choquer de la part du président de la République protecteur de l'Académie française qui a érigé la maîtrise de la langue en « priorité absolue » dans les écoles. « Il s'exprime comme l'homme de la rue » Sarkozy, ancien avocat, est pourtant un tribun hors pair, virtuose du langage. Le plus souvent, c'est dans les usines qu'il se lâche. Chez les linguistes, on s'interroge : faut-il y voir de l'empathie avec son public ou une stratégie pour « faire peuple » ? « Il s'exprime comme un homme de la rue. C'est un langage de publicitaire, fait pour frapper », déplore Fanny Capel, du collectif Sauver les lettres. « Il est capable de jouer sur plusieurs registres de langue qui lui permettent de s'adresser à ses pairs comme au peuple. Il sait jouer du piano sur tous les arpèges. Quand il ne marque pas la négation, il établit une connivence. Fadela Amara me disait : Sarkozy parle comme une caillera (NDLR : racaille), c'est faux ! Il emprunte à l'autre le registre qu'il croit être le sien », analyse le linguiste Alain Bentolila. Isabelle Laborde-Milaa, linguiste à l'université Paris-XII Créteil, compare avec le langage soutenu de Jean-Marie Le Pen, capable de jongler avec l'imparfait du subjonctif. « Le Pen tend un miroir valorisant à ses interlocuteurs, il crédite son public d'une compréhension, alors que Sarkozy nivelle par le bas. » Le danger ? A trop vouloir jouer à Monsieur Tout-le-Monde, Sarkozy a déjà dérapé : son « Casse-toi, pauvre con » a laissé des traces. « Mes élèves ont été assez choqués », se souvient Fanny Capel, qui enseigne les lettres dans un lycée de Seine-et-Marne. Chez les puristes, la riposte s'organise. Leur emblème ? « La Princesse de Clèves », critiquée en 2006 par Sarkozy pour sa complexité. * « 99 Questions à mon coach d'orthographe », Bernard Fripiat, Editions Demos.






Le Parisien 22.03.2009 images.jpeg

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